La Patience !

L'invite à la patience est un fait que presque tous les patrons du privé présents dans diverses typologies de l'entreprise au Cameroun connaissent. C'est que, de manière officielle, les factures doivent se payer après trente jours. Certains donneurs d'ordre mettent même moins de temps pour régler diverses prestations exigeant ce temps.

Seulement, une bonne franche des donneurs d'ordre a littéralement adopté la procrastination – l'art de remettre à demain – même ce qu'on peut régler immédiatement. Ainsi donc il est courant d'entendre dire, bien loin après les délais : « repassez demain. Le dossier est déjà finalisé et attend juste l'accord de la hiérarchie ». Normal a priori. Mais très souvent aussi, c'est la même voix la plus autorisée de la maison qui apprivoise au plus haut point cette tendance pathologique à différer. Ce petit jeu entraine une kyrielle de conséquences allant des plus négligeables aux plus graves.

En réalité, selon le Centre d'analyse et de recherche sur la politique économique du Cameroun (Camercap) qui a réalisé une enquête récente, 72,24 % des PME créées entre 2010 et 2016 ont disparu des fichiers de la direction générale des impôts jusqu'au mois de mai 2016. Les raisons sont multiples, même s'il est reconnu que toutes ces entreprises ne disparaissent pas comme neige au soleil – certaines sont créées juste pour accéder à un marché public, le gagnent, et disparaissent pour revenir sous une autre typologie -, d'autres, plus sérieuses, affrontent au quotidien la frilosité des banques, la concurrence souvent déloyale, le difficile accès à la commande publique ou privée, et surtout, font face à la procrastination de certaines grandes structures, avec ce que cela peut causer comme tort : le non-respect des charges diverses, le discrédit auprès des partenaires, le découragement de la ressource fondamentale que constitue le personnel, et, hélas, le glissement de la clé sous le paillasson et après, arrivent les quolibets de la société.

En 2016, la Chambre de commerce du Cameroun a réalisé une enquête auprès de ses membres sur le plan national pour avoir leur avis sur les règlements de leurs factures. Il s'agissait tout simplement de savoir s'ils sont satisfaits de leurs donneurs d'ordres et autres fournisseurs. Résultats, 52% des commerçants affirmaient que les durées de règlement des fournisseurs éteint restées les mêmes, donc lentes et 26% d'entre eux trouvaient que ces délais étaient devenus courts. La tendance semble avoir bien basculé entre temps.

En début d'année 2017, le ministre des Petites et moyennes entreprises, de l'économie sociale et de l'artisanat a présenté 15 219 PME créées au Cameroun en 2016. Le tout n'est pas seulement de célébrer ces naissances. Encore faut-il exhorter les donneurs d'ordre à vite régler nos factures. En visite un jour chez André Mgr Wouking – ancien archevêque de Yaoundé de regretté mémoire -, il me dit, « faire attendre l'autre pendant trop longtemps c'est le mépriser. » Très certainement les grandes entreprises ne méprisent pas les petites. De grâce, cherchons ensemble le bonheur du Cameroun.

Par Irène KALJOP ABENA

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION